Slow fish

Question plus que délicate et complexe parfois évoquée ici, tentons d'apporter un regard objectif sur cet enjeu planétaire.

Notre planète se compose comme nous le savons aux 2/3 de mers et d'océans et 80% de la biomasse s'y trouve. On peut donc estimer que la surpêche est la plus grande menace qui pèse sur le vivant à l'échelle planétaire.
Mais il faut absolument ne pas confondre la "grosse pêche industrialisée" avec la pêche artisanale, noble et si utile localement.

Les pêcheurs disposent en effet de subventions colossales (entre 2007 et 2013 les Fonds européens auront subventionné la pêche à hauteur de 4,3 milliards d'euros) et d'une technologie parfois digne de l'armée : sonars pour détecter les poissons, logiciels cartographiques 3D des fonds marins, filets géants capables de contenir la Tour Eiffel, engins pour ratisser les grands fonds, etc...

Le plus grand filet du monde est espagnol, son ouverture fait 35 800 m2 et il pourrait contenir une dizaine d'avions.

Tous les experts sonnent l'alarme, à ce train là il n'y aura plus de poissons d'ici 2048.
En raison des prodigieux progrès technologiques du secteur, la pêche s'est mutée en une colossale industrie mondiale qui, bien qu’elle ne compte pas plus de quelques milliers de navires-usines, est capable de modifier radicalement l'équilibre naturel des écosystèmes marins et est surtout coupable de ne pas laisser à la nature sa capacité à renouveler ses ressources.

Le pire dans tout cela est que la surpêche actuelle semble représenter un gâchis monumental, les filets dérivants prenant dans leurs mailles des espèces "non-ciblées" qui sont rejetées à la mer. On estime ainsi à plus de 300 000 le nombre de cétacés tués chaque année...Pire, 2/3 de ces rejets sont des espèces trop petites pour être légalement capturées et sont donc rejetées mortes.

En europe, 23% des poissons capturés sont rejetés morts.

Le problème de la surpêche s'explique aussi par le fait qu'en dehors des premiers 200 miles nautiques qui bordent le littoral d'un pays (la zone d'exclusivité économique d'un pays), l'accès aux ressources n'est pas réglementé. Ainsi, quiconque disposant d'un bateau peut aller pêcher et exploiter les ressources marines. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (entrée en vigueur en 1994) conditionne bien la liberté de peche en haute mer à la disponibilité des Etats à coopérer entre eux pour garantir la conservation et une saine gestion des stocks halieutiques mais ces dispositions ne sont actuellement guère plus que de bonnes intentions...

Les conséquences de cette situation sur la biodiversité marine sont donc évidentes : à moins d’un changement radical dans la gestion de la pêche, la diversité marine subira un appauvrissement important, qui a d'ailleurs déjà commencé.

De plus, ce « pillage » industriel des mers menace directement les pêcheries artisanales des communautés côtières, très dépendantes des ressources halieutiques.

Car en effet il ne faut surtout pas accabler les pêcheurs artisanaux qui tentent de continuer à vivre de leur travail et de leur passion.
Lorsque nous nous intéressons à leurs problématiques, nous comprenons bien toute la complexité du phénomène. La pratique de leur métier semble trop souvent rendue difficile par les décisions venues de Bruxelles ou Paris qui ne correspondent pas à la réalité de terrain : pêchant en effet 80% de leurs poissons dans les zones côtières n'étant autorisés à exercer leur travail uniquement dans la zone des 12 miles, ils finissent par attraper des poissons illégaux en voulant pêcher des poissons réglementaires les prenant accidentellement dans leurs filets ! Ils travaillent ainsi souvent la peur au ventre....comble de l'ironie...

70% de la pêche mondiale se réalise sur 9 espèces seulement.

Les pêcheurs artisanaux soulignent souvent le fait que les décisions de Bruxelles sont le fruit d'un lobbying puissant de la part des pêcheurs plaisanciers venant du monde entier pour pêcher ces poissons dans leurs eaux douces.
Bien délicat alors d'imposer une "pêche durable" à certains pendant qu'à quelques milles delà, les gros chalutiers ratissent tout...que faire avec un bateau de 8 à 12m qui pêche à la ligne strictement encadré par les réglementations européennes face à des navires de 40 à 60m qui font ce qu'ils veulent dans les eaux territoriales.

Que faudrait-il faire alors ?!
Une application égalitaire des réglementations et des contrôles pour les pays concernés ?
Garantir l'accès aux ressources aux petits pêcheurs indigènes ?
Eliminer à grande échelle les subventions qui contribuent à la surpêche ?
Créer toujours plus de sanctuaires, des aires marines protégées (qui ne représentent aujourd'hui qu'1% de l'ensemble des mers et des océans) ?
Et tâcher de transformer la pêche en une pêche plus lente, plus respectueuse des juvéniles, des migrations, des saisons de reproduction,...

Et peut-être aussi enfin, nous tous, ne pourrions-nous pas changer nos habitudes alimentaires... La consommation de poisson a en effet doublé au cours des trente dernières années. Plusieurs facteurs cumulés en sont la cause : l'augmentation de la population mondiale, les économies d'échelle réalisées par la pêche industrielle (économies qui ne prennent pas en compte les coûts environementaux et sociaux) qui ont permis un accès plus large à cet aliment, l'augmentation du pouvoir d'achat dans les pays émergents et l'augmentation de l'attrait nutritionnel du poisson.
Mais cet attrait ne serait-il pas, à l'instar de celui de la viande, qu'une exceptionnelle illusion...
Une fois de plus tout est affaire de modération, d'équilibre...et d'harmonie.


"La surface de la mer est un miroir qui empêche parfois de voir ce qui s'y passe"

Hugo Verlomme

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