Grains de sable

Saura-t-on jamais quelle physionomie avait le littoral avant la fixation des dunes …, au Moyen-âge …, au début de notre Ere ? On peut aujourd’hui seulement l’imaginer, les témoignages cartographiques, les illustrations ou descriptifs étant rares et peu précis jusqu’au milieu du XXe siècle.

Ce qui est mieux connu, c’est l’évolution de l’océan, qui passe de -120 m à pratiquement son niveau actuel entre 15 000 BP et 5 000 BP. Corollaire : un trait de côte qui se trouvait vers 15 000 BP … à parfois plus de 20 km à l’ouest de sa ligne actuelle !


L'Office National des Forêts (ONF) tente tout de même de nous apporter quelques éclairages sur l'histoire de nos dunes....fascinant !

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A l’époque Gallo-Romaine, on peut estimer que le niveau de l’océan était plus de 2 m en-dessous de son niveau actuel, et la côte 2 à 3 km plus à l’ouest (à hauteur du nord des Landes). Les paléosols de Biscarrosse- La Teste apportent de précieuses informations sur l’existence de grandes baies (ou deltas), avec un boisement naturel s’étendant pratiquement jusqu’à l’océan.

Vers le VIe siècle apparaissent des dunes compactes et volumineuses (connues sous le vocable de dunes paraboliques) qui vont se déplacer sur plusieurs kilomètres à l’intérieur des terres, commençant à former un obstacle à l’écoulement des eaux du Plateau landais. Elles ensablent de grandes étendues de boisements, certains ayant pu subsister à cette invasion massive car installés sur quelques dunes qui auraient pu se former avant l’époque Gallo-Romaine. En tout cas ces « nouvelles dunes » vont désormais héberger des pinèdes et d’autres boisements, qui, pour certains d’entre eux ont pu subsister jusqu’à nos jours et sont reconnus sous la terminologie de « Montagnes » généralement sises dans les forêts usagères.

Ce n’est pas fini … car avant le XVIe siècle, se produit un nouveau phénomène d’ensablement massif, qui achèvera la constitution de ce gigantesque barrage formant les étangs littoraux. Ce sont les dunes barkhanes, qui, avec mobilité et vélocité vont affecter les biens de l’homme.
Et c’est Montaigne qui, dans ses essais fait allusion au phénomène de « sables vomis par l’océan » qui viennent détruire la propriété médocaine de son frère le sieur d’Arzac. Il rajoute, et c’est important, que d’après les gens du pays, le phénomène est apparu « depuis quelques temps », ce qui constitue le premier témoignage direct de l’arrivée de ces dunes destructrices.

Durant le XVIIIe siècle, de nombreux acteurs cherchent à fixer ces sables ; on cite De Ruat qui aurait (vers la Teste) réussi à implanter des pins sur les sables, qui seront ensuite détruits par le feu. On cite Peyjehan, les frères Desbieys, Boulart, Charlevoix de Villiers, Texoëres, et bien d’autres : ce sont ces hommes qui ont conçu et expérimenté les techniques de fixation des sables.

Dans les Landes, on parle déjà dès le XIVe siècle d’une plante extraordinaire en matière de fixation des sables : le gourbet (le terme oyat est employé dans le nord, celui de gourbet est usité très anciennement). Son usage était imposé par la Ville de Bayonne à des concessionnaires (des vignes en général) situés rive gauche de l’Adour (qui se jetait alors au Plecq – nommé plus tard Vieux-Boucau). C’est au XIXe siècle que l’Etat entreprend d’harmoniser les techniques, prenant en charge les travaux (et en même temps le foncier, ce qui explique l’importance des propriétés domaniales sur la côte). On cite bien entendu le nom de Brémontier (mort en 1809) qui a su apporter les finances publiques ; mais il s’est aussi attribué le mérite des méthodes, et nous en profitons pour rendre hommage à tous les hommes « de l’ombre », des locaux, qui sont, eux, les vrais découvreurs des techniques de fixation des sables.

Les travaux commencent en 1801, ils sont officiellement achevés en 1868. Contrairement à une idée reçue, les sables provoquaient des dégâts indirects en obstruant les cours d’eau ; le résultat, ce sont des inondations sur l’arrière-pays, et c’est par cette problématique qu’ont débuté les grands travaux de fixation des sables. On commence par maîtriser les rives des Courants landais (ce sont les cours d’eau reliant les étangs à l’océan), on débouche leur lit en amont…

Puis, en 1821, arrive un ingénieur dénommé Jean Sébastien Goury ; l’œuvre de cet homme a fait l’objet de recherches, et l’on vient de s’apercevoir qu’il a également travaillé pour le projet de « canal des Landes », puis qu’il est devenu député… C’est lui qui a mis au point la technique d’édification de la dune littorale, avec deux originalités : la rétention des sables à l’aide de palissades mobiles (des planches) et leur fixation à l’aide du gourbet. Il est donc le promoteur du « génie dunaire » et de la phytostabilisation ! L’ancienne zone de sables mobiles, entre océan et étangs est désormais fixée ; près du littoral, une dune rectiligne contrôle les transferts de sables, et protège des submersions. On s’emploie à entretenir cette jeune dune, et la nouvelle forêt de pins : c’est aux Eaux et Forêts qu’incombe la tâche.

Mais les deux guerres mondiales vont mettre à mal le littoral ; de plus, de fortes érosions marines engendrent un important recul du trait de côte après la Seconde Guerre, et une intense activité éolienne mobilise les sables dans les années 1960. Il n’en faut pas plus à un autre ingénieur, Guy Jounet, pour remettre en état les dunes aquitaines … à l’aide d’un bull-dozer : Autres temps, autres techniques !

Aujourd’hui, et grâce au soutien des scientifiques depuis les années 1980 (université de Bordeaux, botanistes…), le littoral fait l’objet de suivis constants et de travaux adaptés aux contextes. Mais l’objectif n’a pas changé : la dune protège les biens de l’Homme situés à l’intérieur des terres de l’immersion, de l’ensablement … lorsqu’elle a suffisamment d’espace pour pouvoir mener à bien sa mission.

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